Peut-on encore monter à cheval ?

Dans son livre «Peut-on encore monter à cheval?», Daniel Reyssat questionne notre relation avec le cheval et recherche ce qu’il faudrait changer pour la rendre plus éthique.

L’auteur, qui gère une écurie dans le nord de la France, en Normandie, propose de la «rééducation de relation» entre le cavalier et sa monture.
En France, l’équitation est le troisième sport comptant le plus de licenciés, derrière le football et le tennis. En Suisse, environ 140 000 personnes pratiqueraient l’équitation, dont 85 à 95 % sont des femmes (1). Selon Agroscope, le cheptel équin totalisait 112’000 animaux en 2023, dont 17 % étaient des chevaux de sport (2).

Pour une partie du public, l’équitation est perçue comme élitiste, où l’intérêt de l’animal et son bien-être passent au second plan. En compétition, la pratique de l’équitation s’accompagne régulièrement de cas de maltraitance de la part de cavaliers de haut niveau, médiatisés notamment lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2020 et ceux de Paris en 2024 (3, 4, 5).

Peut-on encore monter à cheval?

Un cheval a dû être euthanasié en 2017 après avoir chuté à l’arrivée de la compétition White Turf de St-Moritz, dans les Grisons. Deux autres chevaux ont également été blessés. Plus de 10’000 spectateurs étaient présents pour assister à cette course qui se déroule sur un lac gelé.

À l’occasion d’une interview donnée à l’antenne normande de France Info (6), Daniel Reyssat développe la thématique de son livre, en proposant de rebâtir, sans violence et dans le consentement, la relation entre l’humain et le cheval.

Daniel Reyssat, que pouvez-vous nous dire sur votre parcours?

Je suis cavalier depuis un certain nombre d’années. J’ai fait beaucoup de compétitions, je faisais du horse-ball, j’ai joué pendant 25 ans. Sur des championnats de France, j’ai infligé une blessure aux éperons à ma jument et à partir de là, ça m’a fait un électrochoc. Comment ai-je pu la blesser juste pour gagner un match, alors que j’étais plutôt connu pour être doux avec mes chevaux?
J’ai cherché à approfondir le sujet de la violence dans le dressage, de l’utilisation de la douleur dans le dressage. Voir si on pouvait faire autrement. J’ai une pension où les gens mettent les chevaux chez moi et s’en occupent eux-mêmes. Je donne des cours pour améliorer la relation cavalier-cheval. Et puis, j’ai d’un autre côté des gens qui m’amènent des chevaux, soit pour les débourrer (amener le cheval à accepter la selle, le cavalier, à comprendre les ordres de base, NdR), soit pour rééquilibrer leur relation quand ça ne va pas. On dit que c’est de la rééducation comportementale, mais moi je fais vraiment plus de la rééducation de relation en fait. Je ne rééduque pas le comportement du cheval, parce que le cheval réagit comme un cheval.

D’où viennent les problèmes de relation avec le cheval?

Les problèmes arrivent quand on oublie qu’il s’agit d’un cheval et qu’on l’utilise juste comme un outil. En fait, il n’y a plus de relation, on use de la contrainte physique pour imposer l’obéissance. Si on veut instaurer une relation de confiance, il faut obtenir le consentement du cheval. Ça prend plus de temps, mais plus on prend son temps et plus on gagne du temps. Une fois que le cheval est confiant, on peut lui demander beaucoup plus de choses qu’un cheval qui n’a pas envie. Et en même temps, c’est vraiment changer de paradigme.
Dans la compétition, on va toujours vouloir plus. Le but de la compétition, c’est d’être meilleur que les autres chevaux. Ce n’est pas monter proprement, ce n’est pas d’avoir un cheval heureux. Ce n’est pas d’avoir un cheval qui soit coopératif, c’est d’avoir un cheval qui soient meilleur que les autres, qui saute plus vite, plus fort, souvent avec un peu plus de stress.

Le cavalier de loisir, qui au départ aime les chevaux, peut oublier l’essentiel?

Dans mon livre, je suis allé chercher ce qu’on fait au quotidien dans l’équitation de loisirs et de sport, qu’on a l’impression de bien faire, mais qui ne va pas. Je ne vais pas du tout chercher ceux qui font de grosses maltraitances, qu’on connaît tous dans le milieu du cheval. Il faut lutter contre, bien sûr mais ce n’était pas mon propos. Je vais vraiment chercher, ce qui fait que moi, un cavalier, qui se pensait plutôt doux, comment j’ai pu blesser ma jument?

Comment un cavalier peut rendre son cheval plus heureux?

Le cavalier doit connaître la manière dont, historiquement, on a pris le contrôle du cheval. Je l’explique dans la première partie du livre. Pour résumer, on a pris le contrôle des chevaux en contrôlant leur hébergement, leur alimentation et leur reproduction.
De cette façon, on les a rendus dépendants de nous. Pour qu’ils soient bien, il faut assouvir leurs besoins fondamentaux qui sont au nombre de trois : 1/ les chevaux doivent pouvoir se déplacer 24 heures sur 24, avoir des mouvements libres, 2/ ils doivent pouvoir s’alimenter quand ils le veulent avec de l’herbe principalement, 3/ ils doivent avoir des relations sociales 24 heures sur 24. Si on garantit ces trois besoins fondamentaux, on est pas mal!

Or on les prive de ces besoins pour mieux les contrôler ?

Oui, on s’en sert pour motiver le travail. Le cheval est très content qu’on lui donne de l’alimentation. Quand il vit dans un box, aller travailler lui permet de se mouvoir (un cheval en liberté marche en moyenne 10 km par jour, quand il est en box, il marche 2 km par jour). Et comme il est tout seul dans son box, il est content d’entrer en relation avec le cavalier.
Quand on veille aux besoins fondamentaux des chevaux, il faut faire plus d’efforts pour qu’ils s’intéressent à l’humain. Si on veut créer une vraie relation, on se met un peu dans la difficulté, en fait, on se prive des moyens de contrôle.

Comment faites-vous pour que le cheval s’intéresse à ce que vous lui proposez?

Il faut passer vraiment beaucoup de temps avec lui, du temps à ne rien faire, les chevaux aiment beaucoup passer du temps à ne rien faire. Il faut essayer de se reprendre sur nos objectifs. La relation elle-même doit être l’objectif principal.
Il est d’usage de faire travailler les chevaux sur du renforcement négatif: on met une gêne qu’on enlève quand le cheval fait ce que l’on veut. Le problème est que s’il ne fait toujours pas ce qu’on demande, jusqu’où va-t-on, de la gêne à la douleur, pour s’imposer?
L’autre manière de faire est le renforcement positif (s’il fait ce qu’on demande, le cheval gagne une friandise). C’est plus long mais efficace.

Comment mettez-vous ces principes en pratique?

La plupart des gens qui viennent me voir adhèrent déjà mais il arrive que certains soient juste conseillés par d’autres et j’essaye de les ouvrir un peu. Je me souviens d’un pro de CSO, qui avait un super cheval, mais qui ne voulait plus sauter de barre.
Alors on a passé du temps avec le cheval en liberté dans la carrière. J’ai demandé au cavalier d’attirer l’attention de son cheval, pour qu’il le suive, en marchant et en courant. Et à la fin c’est le cavalier qui court et qui saute l’obstacle courant avec le cheval qui le suit. Les gens savent qui ils viennent voir et dans quel sens on va travailler.

Daniel Reyssat

En savoir plus:

Ethique équestre: Peut-on encore monter à cheval?
Auteur: Daniel Reyssat
Editeur: VIGOT
Date de parution: 6 févr. 2025
192 pages
Format: 15,00 x 21,00 x 1,50 cm
Poids:392g
ISBN 9782711427406
EAN  9782711427406