Le jugement confirme la dangerosité des additifs nitrés pour la santé.

charcuterie

La Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) avait porté plainte auprès du Tribunal de commerce de Paris en mai 2021 contre l’application Yuka, pour «dénigrement» et «pratiques commerciales déloyales» et «trompeuses».

Sur son application, qui attribue des notes de qualité nutritionnelle aux produits alimentaires, Yuka affichait une note médiocre de 0/100 pour certains produits de charcuterie. L’application mentionnait l’utilisation d’additifs dangereux pour la santé, notamment de nitrites ou des nitrates. Elle renvoyait aussi à une pétition lancée en collaboration avec l’association Foodwatch et la Ligue contre le cancer, qui demandait le retrait dans les charcuteries des nitrites de potassium (E249), de sodium (E250), et des nitrates de sodium (E251) et de potassium (E252).

Pétition de Yuka contre les additifs nitrés

Pour la FICT, il s’agissait d’affirmations mensongères, les additifs nitrés étant autorisés et leur emploi recommandé par les agences sanitaires françaises et européennes. Deux autres fabricants de charcuterie, les entreprises A.B.C. et Le Mont de La Coste, avaient eux aussi porté plainte contre Yuka, auprès des tribunaux de commerce d’Aix-en-Provence et de Brive.

Condamnée une première fois, Yuka fait appel

C’est en septembre 2021 que le Tribunal d’Aix-en-Provence inflige à Yuka sa première condamnation, lui reprochant son manque «d’impartialité et de sens de la mesure» face à «l’importante littérature scientifique contradictoire et rassurante». Et de citer l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui écrivait, en 2017, «les nitrates et les nitrites ajoutés aux aliments aux niveaux autorisés sont sans danger». Le Tribunal de Brive condamnera à son tour Yuka, de même que le Tribunal de commerce de Paris, jugeant qu’elle usait d’une «pratique commerciale déloyale et trompeuse et commettait des actes de dénigrement» au préjudice de la FICT.
Condamnée à chaque fois à verser des astreintes aux fabricants, à l’interdiction de faire figurer un lien vers sa pétition et d’employer les termes «risque élevé» et «cancérogène» dans toutes ses évaluations de produits de charcuterie, Yuka avait fait appel de ses trois condamnations.

Yuka relaxée par les cours d’appel

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu son verdict le 6 décembre 2022, suivie par celle de Limoges (pour la condamnation du Tribunal de Brive) le 23 avril 2023. Dans les deux cas, c’étaient cette fois les fabricants de charcuterie qui étaient déboutés et condamnés à verser chacun 20’000 euros d’indemnités à Yuka.
Pour ces deux instances, Yuka a le droit de dire qu’un aliment n’est pas bon et qu’il existe un risque pour la santé si cette affirmation est documentée et étayée. Ce qui était le cas. Contrairement aux documents fournis par les plaignants et retenus lors des premiers jugements, des études démontraient au contraire les risques avérés pour la santé des additifs nitrés. A l’exemple de l’OMS, qui a classé la charcuterie comme cancérogène et les nitrites ou nitrates ingérés comme cancérogènes probables. En juillet 2022, c’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui publiait un avis confirmant «l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal», contredisant les affirmations – régulièrement contestées en raison d’un manque de fiabilité – de l’EFSA.

Déçues les entreprises A.B.C. et Le Mont de La Coste annonçaient vouloir se pourvoir en cassation. Interrogé, le président de la FICT déclarait espérer que les juges reviendraient sur la première décision des tribunaux, interdisant à Yuka de «dénigrer» les produits de charcuterie. Tout en révisant son propos concernant la dangerosité des additifs ajoutés aux charcuteries. «Si Yuka indiquait clairement que «c’est dangereux, mais seulement si vous en consommez trop», ce serait différent !», déclarait-il.
La décision de la Cour d’appel de Paris rendue le 7 juin 2023 aura douché les espoirs de la FICT. S’appuyant sur de nombreuses études démontrant les risques pour la santé des additifs nitrés, la Cour cassait le jugement du Tribunal de commerce et condamnait la FICT à verser 60’000 euros à Yuka au titre des frais de justice.

«Nous avions raison depuis le début d’alerter sur les risques pour la santé et nous sommes ravis que par trois fois la Cour d’appel ait estimé que l’information prévalait sur les intérêts privés des charcutiers-traiteurs voulant nous bâillonner », écrivaient Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer dans un communiqué commun. «Cela clôture l’ensemble des procès en appel de façon positive», concluait Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka.

Reste à savoir si entreprises A.B.C. et Le Mont de La Coste maintiendront leur pourvoi en cassation. Au vu de l’abondante argumentation scientifique confirmant la dangerosité des additifs nitrés, il n’est pas sûr que les producteurs de charcuterie prendront le risque de se voir infliger une nouvelle condamnation et une astreinte financière encore plus élevée en faveur de Yuka.

Additifs nitrés E249, E250, E251, E252