Bien qu’elle soit entrée en vigueur le 1er mars 2013, l’ordonnance sur la déclaration des fourrures et des produits de la pelleterie (ODFourr) n’est toujours pas appliquée par un grand nombre de commerces en Suisse. Et ce n’est pas très étonnant, les sanctions infligées par l’autorité sont dérisoires.

Fourrures mal étiquetées

Une ordonnance édictée pour éloigner le consommateur des fourrures

L’objectif de l’ordonnance était ambitieux : obliger les commerces en Suisse, y compris les boutiques de seconde main, à étiqueter de façon bien visible tous les vêtements comportant de la fourrure. Selon le Conseil fédéral, la mention de l’origine et du mode de détention cruel des animaux devait progressivement inciter les acheteurs de se détourner de ce type de produit.

Malheureusement, le contrôle de l’application de l’ordonnance depuis son entrée en vigueur relève de l’exclusivité de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Et c’est un vrai problème, tant cet office est incapable de faire respecter les dispositions de l’ordonnance.
Lors de sa révision en 2019, nous avions interpellé l’OSAV pour qu’il transfère cette compétence aux offices cantonaux pour plus d’efficacité, en vain. Malgré son inefficacité, l’OSAV a voulu garder la main sur les contrôles.

Des rapports qui rapportent l’inefficacité de l’OSAV 

Depuis des années, l’OSAV additionne les rapports qui rapportent principalement une chose : les magasins et commerces se moquent des dispositions de l’ordonnance.
Dans son premier rapport du 26 juin 2015 « Déclaration des fourrures – Bilan après une année de contrôles », l’OSAV indiquait déjà que sur 88 établissements contrôlés, 74 ne respectaient pas les dispositions légales. Près de la moitié des produits de pelleteries n’était même pas étiquetée.

Le deuxième rapport publié le 8 août 2019 sur la période de contrôles effectués entre 2018 et 2019 est tout aussi édifiant. Sur 163 points de vente contrôlés, 116 (71%) n’étaient pas conformes. Malgré le délai imparti par l’OSAV pour mettre les produits en conformité, 36 points de vente ne se sont pas conformés à la demande de l’OSAV, ce qui a donné lieu à 30 décisions et 6 procédures pénales.

Le troisième rapport publié le 15 octobre 2020 sur la période de contrôles effectués entre 2019 et 2020 reproduit le même constat, en pire. Sur 180 points de vente contrôlés, 142 (79%) n’étaient pas conformes. L’absence de réaction des commerces incriminés ont donné lieu à 32 décisions et 4 procédures pénales.

Le quatrième rapport publié le 4 novembre 2021 porte sur la période de contrôles effectués entre 2019 et 2020. Pour ceux-ci, l’OSAV avait pris la peine d’écrire deux fois « aux points de vente et aux acteurs de la filière avant le début des contrôles ». Il s’agissait de les informer des nouvelles dispositions de l’ordonnance et « sur les répercussions possibles en cas de non-respect répété » de celle-ci. Le taux d’infraction s’étant « maintenu à un niveau élevé » au cours des périodes de contrôles précédentes, l’OSAV s’était décidé « à durcir ses mesures d’exécution et à utiliser sans hésiter la voie de la décision juridique formelle pour faire respecter ses exigences ». Avec quel effet ? Sur les 141 points de vente contrôlés, 111 (79%) n’étaient toujours pas conformes. Entraînant au final 25 décisions et 8 procédures pénales.

Publication du cinquième et dernier rapport en date le 12 octobre 2022, avec une légère amélioration. 131 contrôles, 87 (66%) non-conformités, 10 décisions et 1 procédure pénale. 48 % des produits pas ou mal étiquetés concernaient des cols de veste en fourrure, suivi des pompons de bonnets. La majorité des produits étaient en fourrure de chiens viverrins, de renards arctiques et de coyotes.
L’OSAV annonçait le lendemain par voie de communiqué de presse que l’application de l’ordonnance restait « lacunaire ». Et c’est le moins que l’on puisse dire.
L’OSAV comptait durcir ses contrôles à partir de l’hiver 2022/2023 « en rendant davantage de décisions et en infligeant plus d’amendes ». Enfin, l’OSAV regrettait que depuis l’introduction des contrôles en 2014, aucune amélioration notable de la situation n’avait été constatée.

Amendes prévues par l’ordonnance

Du point de vue des commerces, on peut comprendre le manque de volonté d’appliquer une ordonnance qui va à l’encontre de leurs intérêts financiers. Quel acheteur aurait vraiment envie d’acheter un habit contenant de la fourrure, avec une étiquette qui mentionne que l’animal concerné a vécu toute sa misérable vie dans une cage entièrement grillagée ? Pour autant, on pourrait penser que lorsqu’un commerce décide volontairement de ne pas appliquer une disposition légale, l’autorité use des moyens à sa disposition pour l’y contraindre. Surtout que l’ordonnance prévoit des sanctions dissuasives.
Son article 11 dispose que « Si le contrôle révèle une violation de l’obligation de déclarer, la personne qui n’a pas respecté cette obligation devra s’acquitter d’un émolument couvrant les coûts du contrôle ». Que l’émolument est calculé en fonction du temps consacré au contrôle à un tarif horaire de 200 francs.
L’article 12 dispose quant à lui qu’en cas d’infraction à l’ordonnance, l’autorité peut infliger une amende pouvant atteindre 2000 francs, conformément à l’art. 11 de la loi du 5 octobre 1990 sur l’information des consommatrices et des consommateurs.

Journal Bon à savoir de février 2023

Des sanctions quasi inexistantes et peu dissuasives

En février 2018, nous avions questionné l’OSAV pour connaitre le montant des amendes délivrées. Celui-ci annonçait avoir encaissé « des émoluments de 308 francs » pour des contrôles négatifs effectués dans six commerces. Sachant que chaque contrôle nécessite la présence d’un-e collaborateur-trice de l’OSAV, que son taux horaire de travail se chiffre à 200 francs, cela signifiait que les émoluments facturés aux commerces en infraction, en moyenne une cinquantaine de francs par établissement, étaient non seulement dérisoires, mais ne couvraient même pas les frais qu’ils induisaient à l’administration.

Dans son numéro de février 2023, le journal Bon à savoir relève que les sanctions infligées par l’OSAV sont toujours aussi laxistes. Le journal publie également la liste des 10 commerces ayant le plus haut taux d’infractions. En tête, le magasin Marolli Classiques à La Chaux-de-Fonds (Neuchâtel), lequel proposait à la vente 88 articles de fourrure non étiquetés. Julen Sport à Zermatt (Valais) a été épinglé par l’OSAV pour 66 articles non étiquetés, et Max & Moi Lederer SA à Berne pour 45 articles non étiquetés.
Toujours selon Bon à savoir, l’OSAV annonçait avoir encaissé un total de 3000 francs suite aux contrôles menés. Une facturation n’étant établie que lorsque des infractions sont constatées, ce montant représente toujours en moyenne 50 francs de frais par commerce. L’amende la plus élevée a été de seulement 200 francs.
La journaliste ne s’étonne pas que les commerces ne respectent pas l’ordonnance, puisque même en cas de récidive, les sanctions restent dérisoires. L’OSAV assigne au commerce un nouveau délai pour se mettre aux normes et perçoit une taxe de 120 francs. Ce n’est que lorsque le commerce ne règle toujours pas la situation que s’engage une procédure pénale avec des amendes à la clé. Ces deux dernières années, neuf procédures ont été lancées, aboutissant à des amendes de 5000 francs au maximum.

Motion pour interdire les fourrures issues d’animaux maltraités rejetée

Le 30 mai 2022, une majorité des 46 élu-e-s au Conseil des Etats a refusé la motion 19.4425 « Interdire l’importation de produits de la pelleterie issus d’animaux maltraités » déposée le 12 décembre 2019 par le Conseiller national socialiste bernois Matthias Aebischer. La motion avait pourtant été acceptée le 13 décembre 2021 par 144 oui contre 31 non au Conseil national. Mais comme la plupart des objets traitant de la protection des animaux, celui-ci a été enterré par le Conseil des Etats. Un des arguments au Conseil national ayant plaidés pour l’adoption de la motion était justement le manque d’efficacité des contrôles menés par l’OSAV.

Une initiative populaire pour interdire les fourrures provenant d’animaux maltraités

Suite au rejet de la motion, les multiples tentatives menées par le passé au Parlement fédéral sur ce même sujet ayant toutes échouées, l’Alliance animal suisse, dont Animal équité est le représentant pour la Suisse romande, a lancé le 28 juin 2022 une initiative populaire fédérale visant le même objectif que la motion, soit interdire l’importation des fourrures dont les modes de production sont contraires à notre législation. La récolte des signatures court jusqu’au 28 novembre 2023.

 

Informations complémentaires :

Page de l’OSAV consacrée à la déclaration des fourrures

Lien pour connaitre les noms des élu-e-s qui ont votés pour ou contre la motion :
Conseil des Etats
Conseil national