L’abattage de la faune sauvage, ça suffit ! Pour une gestion de la faune éthique et efficace.
Depuis une vingtaine d’années, les autorités du canton de Genève gèrent les populations d’animaux sauvages commettant des dégâts par des abattages systématiques. Les tirs visent principalement les jeunes et les mâles, ce qui permet aux femelles de se reproduire et provoque chaque année l’abattage de centaines d’animaux, alors que la chasse est censée être interdite dans ce canton.
La gestion de la faune problématique par l’État est un échec. Il existe d’autres moyens que les tirs pour réduire des populations d’animaux sauvages. A l’exemple de nombreux pays qui utilisent notamment des vaccins contraceptifs pour stabiliser leurs populations de sangliers ou de cervidés.
Cette méthode a été proposée plusieurs fois à l’autorité cantonale, sans succès. L’explication étant qu’il valait mieux laisser des animaux exprimer leur besoin de se reproduire et d’en abattre le surnombre, plutôt que d’inhiber leurs cycles reproductifs.
La gestion de la faune à coups d’abattage doit cesser. Nous demandons au Conseil d’État de suspendre les tirs d’animaux et d’organiser des campagnes pilotes de contraception, afin d’en évaluer l’efficacité en vue d’y recourir à l’avenir pour la gestion de la faune.
Explications
Suite à une votation populaire en 1974, la chasse a été interdite dans le canton de Genève. Depuis cette date, la gestion de la faune est organisée par un service de l’État et les mesures mises en place sont discutées par une commission consultative.
Depuis les années 2000 et l’explosion démographique du sanglier en Europe, le canton de Genève est lui aussi touché par les dégâts provoqués par ces animaux. Pour régler ce problème, le service de la faune en abat en moyenne 200 chaque année.
296 sangliers ont été tirés par les gardes de l’environnement entre juillet 2021 et mars 2022.
Depuis les années 2015, c’est au tour des chevreuils d’être abattus sur ordre du Conseil d’État, au motif d’être eux aussi en surnombre et de causer des dégâts aux cultures. Entre 20 et 30 chevreuils sont ainsi tirés chaque année.
Depuis octobre 2023, le Conseil d’État annonce maintenant l’abattage d’une partie des cerfs vivants dans les bois de Versoix, expliquant qu’ils sont en surnombre et empêchent la régénération des jeunes arbres.
Le Département du territoire (DT), dont dépend le service de la faune de l’OCAN, porte pourtant une grande responsabilité dans la situation actuelle. Déjà en ayant laissé se sédentariser chaque année un nombre toujours plus important de cerfs en provenance du Jura. Puis en prenant des dispositions absurdes, comme interdire au public l’accès à une partie des bois de Versoix durant la période du rut du cerf, afin de laisser ces animaux se reproduire sans être dérangés par les promeneurs. Pour au final déclarer que ces animaux sont trop nombreux et qu’il faut en abattre un certain nombre !
Le DT a aussi échoué dans son objectif de développer des couloirs biologiques afin de permettre aux cerfs de ses déplacer. Ces animaux restent ainsi contenus dans la zone des bois de Versoix en raison de la multiplication des aménagements urbains qui entravent leurs déplacements.
Selon la loi genevoise sur la faune (LFaune), des tirs d’animaux occasionnant des dommages ne peuvent être autorisés qu’après «épuisement des mesures préventives» (art. 16, al. 1 LFaune). Dans le cas présent, le Conseil d’État n’a de loin pas « épuisé » les mesures visant par exemple à réduire les cheptels d’animaux avant d’envisager des tirs.
Partout dans le monde, des gouvernements organisent des campagnes de vaccination contraceptives efficaces pour limiter la reproduction d’animaux comme les sangliers ou les cervidés. Pourquoi le Conseil d’État genevois préfère-t-il abattre des animaux plutôt que de mettre en place lui aussi une gestion respectueuse de sa faune sauvage ?
Parmi les méthodes utilisées, l’administration par voie cutanée injectable ou orale du vaccin immuno-contraceptif GonaCon pourrait être particulièrement bien adaptée pour résoudre le problème de forte densité de sangliers et cervidés dans le canton de Genève. Le vaccin ayant un effet réversible, la gestion des populations d’animaux sauvages pourrait être facilement adaptée en fonction de la natalité observée.
En réduisant le nombre d’individus sur le territoire cantonal, les cultures seraient également moins impactées et le travail des agriculteurs facilité, par la suppression de nombreuses clôtures qu’ils sont obligés de poser et entretenir pour protéger leur production.
Initialement développé aux États-Unis dans les années 2000 par le National Wildlife Research Center pour faire face à l’explosion de la population de cerfs de Virginie, l’emploi du vaccin GonaConTM a rapidement été étendu par le ministère de l’Agriculture à la gestion des populations de bisons dans une réserve du parc de Yellowstone, puis aux populations de chevaux sauvages.
Des études et campagnes de vaccination ont par la suite été menées par plusieurs pays, notamment le Royaume-Uni sur des populations de sangliers et de blaireaux.
Les résultats font état d’une efficacité de deux à plusieurs années du vaccin. Plus important, aucun désordre biologique ou comportemental n’a été perçu chez les milliers d’animaux vaccinés, notamment les chevaux. Ceux-ci conservent leur place au sein des groupes. Les femelles vaccinées n’ont simplement plus de période de fécondation. Sur une période d’une décennie, une vaccination peut permettre de réduire jusqu’aux deux tiers une population donnée.
Plus récemment, d’autres États européens ont aussi lancé des études afin d’évaluer l’efficacité du GonaCon sur des populations de sangliers. A l’exemple de l’Université de Barcelone en Espagne, qui a publié en novembre 2021 les premiers résultats de son projet pilote de vaccination des sangliers lancé en 2017. Les sangliers vaccinés faisaient partie de populations vivant en liberté dans les zones urbaines de quatre municipalités.
Parmi les 219 animaux participants à l’étude, le vaccin a été efficace chez toutes les femelles, démontrant un blocage de l’ovulation durant deux années. Le vaccin a également été efficace chez les mâles, qui ont perdus leur capacité de reproduction durant plusieurs mois. Les chercheurs pensent même que l’inhibition de la reproduction pourrait être permanente chez les jeunes animaux vaccinés. La poursuite du projet pourra permettre d’évaluer l’efficacité du vaccin sur le long terme.
En septembre 2022, c’est le gouvernement italien qui a autorisé le lancement d’une étude visant l’administration orale du GonaCon à des populations de sangliers afin d’en limiter le nombre et les dégâts qu’ils commettent. Financée à hauteur de 500’000 euros pour une durée de 24 mois, les premiers résultats pourraient être publiés fin 2023.
Quel coût pour une vaccination ?
Aux Etats-Unis, le coût total pour un cerf, comprenant l’anesthésie, l’injection du vaccin et la pose d’une balise auriculaire, se chiffre entre 500 et 1000 dollars. Les cerfs étant bien localisés dans les bois de Versoix, le coût comprenant l’éventuelle anesthésie, si une vaccination n’est pas possible par un tir à distance, et l’administration du vaccin ne devrait pas être plus onéreuse. L’abattage d’un animal par les gardes a aussi un coût : veille de nuit, tir et transport du cadavre par un véhicule du service de la faune.
Une gestion des naissances permettra aussi de réduire drastiquement les coûts liés aux dégâts, ainsi que la pose et l’entretien des clôtures de protection.
Pour ces raisons, le Conseil d’État doit renoncer aux abattages systématiques des animaux commettant des dégâts, respecter l’interdiction de la chasse en vigueurs depuis près de 50 ans et mettre en place une gestion éthique et efficace de la faune sauvage.
Graphiques ci-dessous :
Nombre d’animaux tirés chaque année depuis 1995 dans le canton de Genève, ou la chasse est censée y être « interdite » depuis 1974 (sources: jagdstatistik.ch)