Proviande rêve de consommateurs qui ne lisent que les gros titres

L’aguiche d’un article mis en ligne sur la page d’accueil du site internet du Blick l’affirme : Les vaches suisses consommeraient exclusivement du fourrage suisse. Sauf que cette affirmation est mensongère.

Proviande

L’aguiche mise en ligne le 22 décembre 2022 sur la page d’accueil du Blick

Il faut cliquer sur l’annonce et accéder au contenu de l’article, pour y lire qu’en fait non, du fourrage est bel et bien importé pour nourrir les animaux dits de rente. Le « peu » de fourrage importé proviendrait surtout d’Europe, mais aussi d’Asie et d’Amérique du Sud. Pour quelle quantité ? L’article reste muet sur cette question. L’objectif est de faire croire au consommateur que l’élevage en Suisse est durable, pas de fournir des informations fragilisant le discours de Proviande, l’interprofession suisse de la filière viande. Surtout que c’est elle qui finance la diffusion de l’article. On trouve cette information à la fin du rédactionnel : « Cet article a été rédigé pour le compte d’un client. Les contenus sont de style journalistique et répondent aux critères de qualité de Ringier ».

Interpellé sur l’aguiche réalisée pour Proviande et la position de Ringier sur son absence de déontologie journalistique, puisqu’il s’agit d’orienter une information pour induire volontairement le lecteur en erreur, l’éditeur reconnaitra que « l’aguiche ne correspond pas au contenu de l’article » et le modifiera. Tout en rappelant aussi que « les parutions doivent répondre aux exigences des clients qui contribuent financièrement à la publication de l’article ».

L'aguiche de Proviande modifiée

L’aguiche corrigée.

Des subventions publiques pour financer la publicité pour la viande

Proviande reçoit chaque année plusieurs millions issus des fonds publics de la Confédération pour faire la promotion de la viande suisse. Cette manne lui permet d’être présente dans les médias grand public sous forme de publireportages, afin de promouvoir la consommation de viande, mais aussi pour déculpabiliser les consommateurs qui viseraient à la réduire pour des raisons écologiques ou éthiques.

Pour avoir l’assurance de passer des annonces visibles et bien placées, Proviande peut compter sur les services proposés par les éditeurs sous forme de rédactionnels, ce qui permet de faire penser au lecteur qu’il a à faire à une information journalistique et pas à une publicité. Pour l’année 2022, Proviande prévoyait ainsi le financement « d’environ 45 articles de RP, en ligne et imprimés, dans les plus grands quotidiens et portails d’information de Suisse », tels que le Sonntagsblick, Le Matin Dimanche, la Sonntagszeitung, la NZZ am Sonntag, GEO, Watson, le Blick, 20 Minutes, le Tagesanzeiger ou le Berner Zeitung.

L’annonce du Blick publiée en décembre 2022 a été réalisée par la filiale publicitaire Brand Studio de Ringier qui vend ainsi ses services : « En tant que société de médias, nous avons l’habitude de fournir chaque jour de nouveaux contenus prêts à être diffusés – et ce, sur tous les canaux. Le Brand Studio Ringier a conçu et crée pour vous des contenus adaptés et efficaces. En tant qu’anciens journalistes, nous voyons tout du point de vue du contenu. Cela rend nos messages plus précis ; et notre contenu, plus émotionnel. Il est ainsi impossible de ne pas le remarquer ».

Mangez des plantes. Et du lait. Et de la viande

Et les publications Brand Studio en faveur des produits animaux ne manquent pas. Même lorsque celles-ci semblent faire la promotion de leurs concurrents. A l’exemple du publireportage du 28 novembre 2022 titré « Manger sain et durable avec l’alimentation à base de plantes ». « Peut-on vraiment agir pour l’environnement à son échelle ? La réponse est oui en adoptant un régime alimentaire à base de plantes » nous explique le texte. Qui nous fournit même « trois astuces pour démarrer une alimentation à base de plantes » : Composez ses repas aux 4/5 d’aliments d’origine végétale, et bouclez le tout avec 1/5 de produits d’origine… animale. Comme trois portions de lait et de produits laitiers par jour. L’article est sponsorisé par la Fédération des Producteurs Suisses de Lait Swissmilk, on comprend mieux. L’article invite encore à ne (surtout) « pas faire d’amalgame avec le véganisme ou le végétarisme ». Car avec des produits d’origine animale qui viennent compléter les repas, « vous profitez ainsi de toute la gamme de nutriments sans renoncer à rien.» Ouf, merci Swissmilk, merci Brand Studio.