Le manque de reproductibilité des études, notamment celles menées dans les Hautes écoles, est un problème majeur pour la recherche.

Un grand nombre de nouvelles expériences se basent sur des résultats publiés par d’autres groupes de recherche afin d’investiguer une nouvelle découverte. Que se passe-t-il lorsque que ces nouvelles études se basent sur des données volontairement manipulées ? Une perte de temps, d’argent et de crédibilité pour la recherche.

A l’origine, la plate-forme web PubPeer a été créé en 2012 par un chercheur du CNRS. Objectif : permettre la publication de commentaires mettant à jour des manquements à l’éthique scientifique, un biais méthodologique ou la manipulation de données dans des articles publiés.

Des animaux expérimentés inutilement

Dans le domaine de l’expérimentation animale, le dernier article rétracté concerne une étude menée par des chercheurs du Département de cardiologie de l’Université chinoise du Jiangsu, publiée le 13 mars 2017 par le Journal of the American Heart Association (JAHA).

L’expérience visait l’étude du récepteur CD137 sur la régulation de l’angiogenèse dans un modèle d’athérosclérose. Elle a débuté sur des groupes composés de cinq souris génétiquement modifiées âgées de 6 semaines. Après avoir reçu des injections intrapéritonéales aux âges de 10, 13 et 16 semaines, les souris ont étés tuées par dislocation cervicale à 19 semaines. L’aorte thoracique a ensuite été prélevée pour analyse. Conclusion : l’étude démontrait que CD137 favorisait bien le processus de l’angiogenèse et qu’il pourrait être une cible thérapeutique prometteuse pour l’humain dans le développement de maladies comme l’athérosclérose, la dégénérescence maculaire ou le cancer. Sauf que peut-être pas.

Duplication des mêmes données d’une étude à l’autre

En avril 2022, un auteur démontre sur PubPeer que plusieurs graphiques publiés dans l’étude sont en fait des copier-coller d’une étude précédente menée par le même groupe. L’article sera finalement rétracté le 12 avril 2022 « d’un commun accord » entre les auteurs et le JAHA. La revue explique de façon diplomatique qu’après avoir « pris connaissance du fait que les données de l’article susmentionné contenaient un chevauchement substantiel avec les données d’un article précédemment publié dans le Chinese Journal of Cardiology le 30 novembre 2016, les rédacteurs du JAHA ont contacté les auteurs. Les préoccupations spécifiques concernaient la duplication des figures dans les deux articles (…) Les similitudes entre l’article de la JAHA et celui du Chinese Journal of Cardiology n’ont pas pu être expliquées de manière satisfaisante. L’article est donc retiré ».

La duplication des tableaux dévoilée dans Pubpeer

Des interventions anonymes critiquées

Efficace, PubPeer indexe déjà plus de 40’000 articles et plus d’une centaine de milliers de commentaires, anonymes pour la plupart. Ce qui vaut à PubPeer de vives critiques. Ses détracteurs lui reprochent de favoriser délation et intentions malveillantes dans le but de nuire à d’autres chercheurs. Même la direction du CNRS critique son fonctionnement et incite les chercheurs à ne pas alimenter la plate-forme, après qu’une de ses directrices ait été accusée sur PubPeer de manipuler des données scientifiques.

Si l’anonymat questionne sur la provenance des sources et la motivation de leurs auteurs, le fait est que la critique des données publiées peut-être contrôlée. Combien de jeunes post-doc ou chercheurs ont dû compiler des données de leur professeur en les sachant manipulées mais sans oser les dénoncer, de peur de voir leur avenir sérieusement compromis par mesure de rétorsion ? Et si des études manipulées ont pu être publiées malgré le fait qu’elles aient fait l’objet d’un « peer review » (évaluation par les pairs), comme c’est le cas du JAHA, cela questionne aussi sur l’efficacité des contrôles mis en place pour s’assurer de la qualité des publications.

Quelles que soient les critiques que l’on puisse adresser à PubPeer, cette plate-forme existe surtout en raison de l’incapacité à la communauté scientifique à faire elle-même le ménage en excluant des membres capables de frauder pour favoriser leur carrière académique.